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29 août 2013, par Pierre Sérisier
Rogue – Juste une série de plus ?
par Benjamin Campion

La télévision américaine n’a jamais produit autant de séries. Tout au long de l’année, des nouveautés envahissent les grilles de programmes et tentent de se faire une place au soleil d’un marché de plus en plus saturé. Il devient quasiment impossible de garder le fil de toutes les séries qui débarquent sur nos écrans chaque semaine, à tel point que certaines passent inaperçues alors qu’elles auraient pu attirer l’attention quelques années plus tôt.

Rogue est de celles-là. Souvent malmenée par la critique, voire tout simplement boudée, la série mettant en scène Thandie Newton dans le rôle d’une flic dont l’infiltration dans un gang se met à déraper après la mort de son fils souffre d’un trop-plein de concurrence. Et ce n’est pas près de s’arrêter, puisque même des chaînes installées comme Syfy ou FX (via sa petite sœur, FXX, qui sera lancée le 2 septembre prochain) envisagent d’étendre leur catalogue dans les mois qui viennent.

Rogue n’est pourtant qu’une première étape dans le plan de développement de DirecTV, un puissant opérateur de télévision par satellite qui s’était déjà distingué quelques années plus tôt en sauvant Friday Night Lights et Damages de l’annulation. Audience Network, la chaîne de divertissement accessible en exclusivité à ses 32 millions d’abonnés, doit accueillir trois autres séries originales dans les trois à cinq années qui viennent (à commencer par Full Circle, avec Neil LaBute aux commandes et le duo David Boreanaz-Kate Walsh dans les premiers rôles). La machine est lancée ; mais ce choix stratégique est-il judicieux ?

« Si t’as pas ta série à 40 ans… »
Pourquoi se lancer dans la production de séries originales quand vous donnez déjà accès à vos abonnés à tout un éventail de chaînes avec lesquelles il vous sera impossible de rivaliser ? Pourquoi louer les droits d’exploitation de catalogues qui ont coûté beaucoup d’argent à leurs sociétés de production, si c’est pour les affronter sur leur propre terrain ?

Peut-être parce qu’AMC s’est offert une renommée internationale en lançant, en l’espace de six mois, Mad Men (juillet 2007) et Breaking Bad (janvier 2008), après avoir fondé une réputation confidentielle sur la diffusion de classiques de l’âge d’or hollywoodien. Sans doute parce que Netflix s’est invité à la cérémonie des Emmy Awards en produisant la première série originale d’un opérateur de vidéo à la demande, House of Cards, portée par l’aura de David Fincher, de Kevin Spacey et de Robin Wright. Mais aussi parce qu’une chaîne dédiée au cinéma indépendant comme Sundance Channel peut se permettre de recueillir tous les suffrages dès le lancement de sa première série maison, Rectify.

La série est devenue le nouvel objet à la mode. Tout le monde en veut une à son poignet, quitte à renier ses engagements initiaux. Et pour l’obtenir, tous les moyens sont bons : s’attaquer à un sujet choc, attirer de grands noms du cinéma, offrir des conditions de tournage dignes d’un film indépendant, partager les coûts de production avec des partenaires étrangers, miser sur une distribution internationale, etc.

Il n’y a pas de formule magique ; mais pour tirer son épingle du jeu, il faut se démarquer. Le (télé)spectateur d’aujourd’hui possède tellement de références et de points de comparaison qu’il sera difficile de le convaincre en s’appuyant sur des recettes éprouvées. Il suffit de voir la tiédeur des réactions suscitées par les premiers pilotes produits par Amazon, l’un des quatre grands d’Internet, qui se lance à son tour sur le marché des séries « originales »…

Éparpillés façon puzzle
Dans ce contexte surchargé, DirecTV opte pourtant pour un démarrage en douceur avec Rogue. Son actrice vedette, Thandie Newton, ne figure pas sur la « A-list » d’Hollywood, même si son CV est déjà bien rempli. Ses thématiques ont déjà été vues mille fois au cinéma, où le thriller policier sur fond d’intrigue mafieuse constitue un genre à part entière. Quant au mélange de sexe (voulu « à l’européenne » par le créateur anglais de la série, Matthew Parkhill), de violence et de langage crû, il constitue le cocktail de base des chaînes du câble premium qui entendent surfer sur l’espace de liberté qu’implique leur modèle sans publicité.

Rogue n’a donc pas la prétention de renverser l’ordre établi. Mais ce qui frappe dès ses premiers instants, c’est l’intensité dont témoigne le jeu de ses acteurs. Thandie Newton, que l’on pourrait croire en dilettante après avoir tourné dans des blockbusters comme Mission impossible 2 ou 2012, donne tout pour ce rôle de femme flic résolue à connaître la vérité sur la mort de son fils : son corps, ses tripes, sa rage, ses larmes. Plusieurs scènes l’exposent seins nus, sans érotisme, sans lumière avantageuse pour mettre ses formes en valeur. Au plus fort de sa détresse, elle apparaît prostrée au fond d’une baignoire, le corps couvert de bleus, le sang tourbillonnant autour de la cuvette : l’immersion est alors totale.

Mais elle n’est pas la seule à croire dur comme fer au projet. Qu’ils soient canadiens, anglais ou néo-zélandais (la série est une coproduction anglo-canadienne), tous les acteurs ou presque donnent l’impression de jouer chaque scène comme s’il s’agissait de la dernière. Et pour cause : dans Rogue, hormis l’héroïne (« too tough to die », pour paraphraser la chanson du générique interprétée par l'ex-compagne de Tricky, Martina Topley-Bird), n’importe qui peut disparaître en un claquement de doigts. L’intrigue progresse par élimination, au sens propre du terme. Un bras tendu peut s’immiscer dans un coin du cadre, tirer une balle au silencieux et mettre fin au contrat d’un acteur qui se croyait pourtant à l’abri.

« J’aime l’audace de ces séries qui n’hésitent pas à sacrifier des figures de premier plan », explique Matthew Parkhill, nourri au polar anglais. « Cela crée un effet de surprise : le téléspectateur ne sait plus à quoi s’attendre… Maintenant, je mentirais si je prétendais ne pas regretter d’avoir tué certains personnages ! ».

Dans le même temps, un second rôle dont on avait à peine remarqué l’existence jusque-là peut sortir de l’ombre et se révéler décisif dans le déroulement de l’histoire. Rien n’est figé : le téléspectateur n’a jamais tout le loisir de s’installer confortablement dans son fauteuil et de lever un œil de temps en temps de sa tablette pour reprendre le fil du récit. Ou alors, il risque de ne plus rien y comprendre…

Moisson rouge
Rogue puise ses racines dans la littérature « hard-boiled ». Son écriture sèche, ses scènes d’action ciselées, ses caractères en acier trempé, son rejet du manichéisme (les « bad guys » ne sont pas forcément ceux que l’on croit), son état de tension permanente l’apparentent à un roman noir de Dashiell Hammett dans lequel le rôle du Continental Op serait tenu par une femme.

Tous les trucs de la « pulp fiction » y passent : chausse-trappes, fausses pistes, jeux de dupes, retournements de situation, réapparition d'indices trop vite écartés, complots sur fond de mensonges, de manipulations, de trahisons. Les mauvais coups se préparent, les familles se déchirent, les affaires se règlent dans le sang. Les générations s’entrechoquent, et les personnalités se révèlent souvent multiples : mère aimante à la ville, Grace Travis devient Jackie lorsqu’elle opère en sous-marin. Une renégate prête à tout pour parvenir à ses fins, même à tuer de sang-froid.

Dans la plus pure tradition du roman noir, l’atmosphère générale se veut moite, crispée, parfois irrespirable. De nombreuses scènes sont tournées en extérieur nuit, ou dans des pièces dont les occupants ont tiré les volets afin d’échapper aux tirs de sniper. L’action se déroule à Oakland, dans la baie de San Francisco, mais la majeure partie du tournage s’est tenue à Vancouver, ce qui a permis à la production de bénéficier d’un allègement fiscal de 30%. Et imposé un climat gris et pluvieux qui colle parfaitement à l’esprit de la série.

Le choix de tourner dans la ville portuaire la plus dense du Canada n’a pourtant pas toujours été couronné de succès, comme le rapporte le chef décorateur de la série, Ricardo Spinacé, qui a dû composer avec le refus des autorités maritimes locales de lui ouvrir l’accès aux entrepôts de conteneurs, synonymes d’approvisionnement en drogues et en armes de contrebande.

Qu’à cela ne tienne : Vancouver est une ville de plus en plus prisée par les maisons de production, en premier lieu pour ses avantages fiscaux. C’est d’ailleurs là qu’ont été tournées les trois saisons de The Killing, dont Rogue partage le goût pour les couleurs froides et les espaces confinés. Mais s’il est bien une leçon qu’a retenue Matthew Parkhill en voyant les reproches déferler sur la tête de la pauvre Veena Sud, qui avait choisi de laisser son whodunit ouvert à l’issue de sa première saison, c’est de ne pas trop tirer sur la corde !

Dès les premières séances en salle d’écriture, l’auteur anglais a exposé l’arc narratif qu’il avait en tête pour l’ensemble de la saison, ainsi que des moments-clés pour chaque épisode. Quant aux dessous de l’affaire, l’un de ses personnages les révélerait en détail lors du dernier épisode, à la manière d’un Hercule Poirot faisant toute la lumière sur l’identité du meurtrier et le motif de son crime. Ainsi, pas de risque de se faire agonir par des fans en colère…

Rogue était initialement destinée au marché anglais, mais Parkhill avait besoin de temps pour installer ses personnages et multiplier les rebondissements. Ça tombe bien : du temps, il en aura encore pour développer une nouvelle intrigue, DirecTV ayant renouvelé la série pour une deuxième saison de 10 épisodes. Sa diffusion est attendue en 2014. D’ici là, nul doute que la concurrence deviendra encore plus féroce !
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