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 posté par MC Jean Gab1 : 
30 septembre 2013, par Pierre Sérisier

Breaking Bad – La liberté de l’homme White

Breaking Bad s'est achevée dimanche soir sur la chaîne câblée américaine AMC, offrant un final d'une grande beauté et d'une parfaite logique. Apparue pour la première fois en 2008, la série imaginée par Vince Gilligan, située à la charnière des années 2000 et 2010, a marqué la fiction télévisée de son empreinte comme peu d'autres l'ont fait récemment.

Allongé sur le sol poussiéreux d'un hangar transformé en laboratoire clandestin, Walter White attend avec une joie douce et calme que la mort vienne le délivrer de sa blessure, de son cancer, de sa souffrance, de la douleur d'avoir perdu les siens, qu'elle vienne le délivrer de lui-même. Les sirènes des voitures de police, inaudibles en arrière-fond, lui parviennent comme l'annonce de sa propre fin alors qu'au premier plan résonnent les paroles de l'ultime chanson accompagnant son départ: I guess, I got what I deserve.

Il y a dans cette ultime scène de Breaking Bad une immense tristesse, un intense soulagement et une beauté marquante. Elle résume à merveille les soixante-deux épisodes qui ont composé les cinq saisons de la série. Mister White ne pouvait pas nous quitter sans laisser derrière lui, une dernière fois, une toute dernière fois, ce sentiment de profonde complexité, sans nous répéter en guise de testament combien il fut un personnage contradictoire, combien nous l'avons aimé pour ce qu'il était. Un pauvre type qui parvenu à la cinquantaine s'est vu offrir la chance extraordinaire de pouvoir vivre.

L'aventure du petit prof de chimie d'Albuquerque est certes un mélange de genres, du western au film noir, du drame social aux récits de gangsters. Elle est en partie inclassable parce qu'elle ne connaît aucune limite autre que celle de l'imagination, de la fiction qui est toujours dépassée par la réalité. Mais s'il fallait résumer en une phrase ce qu'est Breaking Bad, on pourrait dire qu'elle est l'histoire d'un homme qui s'est libéré, qui s'est affranchi de son quotidien, de son ordinaire et qui a mis longtemps avant de comprendre que cette liberté avait un prix.

Il a ardemment (parfois d'une manière désespérée) lutté pour vivre ce nouveau présent qui faisait irruption dans son existence à la faveur d'un drame personnel, la maladie, et pour conserver ce passé au nom duquel il prétendait agir. Il était peut-être dupe alors, nous ne le saurons jamais, mais on peut légitimement en douter. Walter White n'est pas le genre d'homme à se tromper sur lui-même.

Lui qui a si souvent menti, lui qui a cherché toutes les excuses pour expliquer chacun de ses actes, lui qui vivait engoncé dans les faux-semblants parvient finalement à exprimer la vérité. Pas celle qui lui a été brutalement révélée, mais celle qu'il a toujours portée au fond de lui.

L'au revoir qu'il vient adresser à Skyler n'est pas synonyme de départ. Cela fait bien longtemps que Walter est parti, qu'il est sorti de la vie de sa femme. Peut-être avant même que tout cela commence, avant même son cinquantième anniversaire, à l'époque où il portait des slips blancs passés de mode. Cet au revoir est l'occasion de faire la paix,de dissiper autant que possible les inévitables regrets que les deux années qu'ils viennent de vivre ont laissés.

"J'ai fait ça pour moi. J'aimais ça. J'étais doué pour ça. J'étais vivant". C'est cet aveu-là qu'elle avait besoin d'entendre pour commencer à lui pardonner, pour recommencer à vivre, pour retrouver l'existence de laquelle il l'avait sortie et à laquelle elle ne demandait qu'à retourner.

L'histoire de Walter White est celle d'un type commun auquel le destin, a priori funeste, offre une chance unique d'éprouver des sentiments qui lui semblaient interdits. Oh, bien sûr, il devient un parfait salopard, un meurtrier de sang-froid, un type sans scrupule que l'on aurait envie de détester.

Le fantôme de Walt
Et pourtant, on ne peut jamais s'empêcher de se demander ce que nous aurions fait à sa place ? C'est là que Breaking Bad est fascinante car non seulement on conserve de l'empathie pour ce héros que nous devrions condamner sans appel, mais on se met à sa place, on en vient presque à se demander ce que cela fait d'être ainsi embarqué dans un camping-car qui roule à tombeau ouvert dans le désert du Nouveau Mexique.

Heisenberg nous hypnotise mais finalement pas plus que Walter White hirsute, crasseux, affublé de guenilles et d'une barbe sans forme. Ils sont un seul et même homme, rien ne peut les dissocier. Ils ne sont pas des incarnations distinctes qui se succèdent et apparaissent à tour de rôle. Ils vivent en même temps.

Breaking Bad restera dans l'histoire des séries télé pour son personnage principal, bien sûr. Mais également pour son style visuel et surtout pour la construction de la narration. La rigueur des scénaristes inspire un grand respect et s'illustre dans cette petite fiole de ricine. Ce qui pourrait être un simple détail perdu dans un récit plus vaste prend tout à coup une importance capitale. Elle devient le châtiment (juste ?) que Walter inflige à Lydia. On jubile à l'idée de cette punition tant le goût de cette femme pour l'argent nous a été présenté de manière détestable.

De même, on jubile à l'idée que Gretchen et son mari vivent dans la peur permanente. Qu'ils se retrouvent enfermés dans leur prison dorée. "Cheer up beautiful people. This is where you get to make it right". Là encore, formidable punition qui satisfait le spectateur, car celui-ci est placé en position de juge lors de ce dernier épisode. D'ailleurs, il a toujours attendu d'occuper cette place, il a toujours attendu de savoir où allait passer la ligne de partage moral.

Il y aurait encore mille choses à dire sur Breaking Bad et ce dernier épisode. Mais les derniers mots doivent aller à Jesse Pinkman car il a été pendant cinq saisons un premier rôle-bis. Il était prévisible que Walter le sauve en raison de la relation filiale qui s'était établie entre eux. Lui aussi est libre, seulement au premier sens du terme. Il échappe à la prison et à la justice mais son destin s'inscrit en point d'interrogation. Ces deux années l'ont métamorphosé.

Il a vécu plus qu'il n'aurait jamais imaginé. Il a souffert au-delà de toute raison. Il est simplement vivant, mais il est déjà un fantôme. Celui de Walter White, qui allongé sur le sol poussiéreux d'un hangar transformé en laboratoire clandestin attend que la mort vienne le délivrer de lui-même.
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