Séries spoilers

 Dernier message 
 posté par MC Jean Gab1 : 
10 février 2015, par Pierre Sérisier
Better Call Saul – Proche, très proche du modèle



Pas facile de prendre la suite d'une série aussi cohérente et maîtrisée que Breaking Bad, acclamée par la critique, adulée par une partie du public et qui a réussi sa sortie en emportant une jolie collection de récompenses. D'autant moins facile qu'il demeure une espèce de méfiance à l'égard du spin-off, un soupçon non-dit qui précède parfois l'arrivée d'une fiction dérivée perçue, soit comme le moyen de prolonger artificiellement un succès achevé, soit comme un manque d'imagination de la part des créateurs qui recyclent des personnages secondaires dans une deuxième histoire.

Better Call Saul, rendez-vous le plus attendu de ce début d'année, s'attaque à cette tâche difficile en centrant le récit sur le personnage de Saul Goodman, l'avocat arrangeant apparu dès la deuxième saison des aventures de Walter White et de Jesse Pinkman. Les deux premiers épisodes, disponibles sur Netflix, affichent clairement leur filiation avec la série mère dans l'esthétique saturée de couleurs et dans le ton légèrement teinté d'humour sans jamais virer à la comédie.

Ils laissent toutefois interrogatif sur la capacité de ce personnage, pour l'instant un peu trop isolé dans la narration, à porter dix épisodes cette saison puis treize dans la prochaine, déjà commandée. Breaking Bad avait réussi le tour de force de proposer au départ une histoire d'une grande simplicité qui ne faisait que gagner en complexité au fil des saisons. Better Call Saul semble opérer le chemin inverse: une situation inextricable qui va conduire à une fin qu'on devine bien simple. Cela dit, Vince Gilligan et Peter Gould ont montré tellement de capacité créative dans leur précédente série qu'on reste optimiste pour la suite.

Comme sa devancière Better Call Saul est une parabole sur l'identité, le compte rendu d'une transformation, d'une métamorphose. Une succession d'événements entraîne le personnage principal sur la pente glissante de l'illégalité. Lorsqu'il décidait de "tourner mal" Walter White se glissait dans la peau de Heisenberg. James McGill va, lui, devenir Saul Goodman, avocat sans scrupule, tenaillé par l'envie de réussir et de se faire un nom. Tout commence sept ans avant l'irruption du petit prof de chimie d'Albuquerque.

Ce changement est suggéré dès le premier épisode par Chuck le frère du héros, un type vieillissant en congé d'une grande entreprise dont il possède une part substantielle du capital. Dans une scène qui rappelle furieusement le dialogue entre Mike et Walter dans l'épisode Half Measures, Chuck lui lance: "tu ne ferais pas mieux de te construire ta propre identité ?" (Wouldn't you rather build your own identity ?). La remarque fait office de révélation. James (Bob Odenkirk) va devenir Saul, jouant sur l'expression "S'all good, man" (tout va bien, mec) afin d'attirer le client.

Pour l'instant, James McGill est un avocat aux petits pieds, abonnés aux affaires minables et dépendant de l'aide judiciaire qu'il est obligé de réclamer avec force protestations auprès de l'administration. Il encaisse des chèques faméliques, roule dans une épave et officie dans un bureau borgne à l'arrière d'un salon de beauté où des mères de famille viennent se faire poser un brushing et une "french".

Ce basculement s'opère à la fin du premier épisode par la rencontre avec un personnage déjà connu mais dont on taira le nom pour ne pas gâcher le plaisir des retrouvailles. La situation de James McGill inspire la drôlerie. Ses minuscules mensonges pour convaincre un couple hésitant sont pathétiques, sa pingrerie, sa rage intérieure mais aussi son sens de l'arnaque (on ne la lui fait pas) le dévoilent comme un rongeur: il est animé par ce besoin fiévreux de réussite, il se consume d'impatience et en veut à la terre entière de ses échecs.



Se cogner à la réalité
Le salut vient de la prise de conscience que les autres ne sont pas responsables de ses malheurs. Il est le seul maître de son destin, le seul responsable de sa situation pitoyable et de l'état de ses costumes luisants aux coudes. Si l'humour est bien présent, on reste dans le tragique. Comme le notait The Guardian, cette semaine: like the best comedies, it doesn't make you laugh.

Vince Gilligan (qui a réalisé le premier épisode avant de passer la main) et Peter Gould (à l'origine du personnage) ont compris que la solution pour réussir leur pari était de se montrer fidèle autant que possible à leur précédente créaton. On retrouve l'environnement aveuglant du Nouveau Mexique avec des couleurs explosives. Dans ce cadre, en plans larges, les objets ordinaires du quotidien, ces choses insignifiantes que l'on ne voit plus à force de les regarder, reprennent leur place et leur sens.

En utilisant des angles de prise de vue inattendus, en multipliant les gros plans (sur une boule de désodorisant sanitaire ou sur des poissons prisonniers d'un aquarium), Gilligan et Gould racontent une seconde histoire, celle d'une dure réalité sur laquelle leurs personnages viennent se cogner et blesser leur égo. On retrouve une vieille technique de narration toujours aussi efficace et qui avait fait merveille dans la scène introductive du roman La Moisson rouge de Dashiell Hammett où l'oeil est accaparé par le bouton manquant à la vareuse d'un policier.

Attention petit spoiler
Cette filiation revendiquée s'inscrit également dans la structure du récit. Gilligan et Gould reprennent un principe qui avait fait ses preuves dans Breaking Bad, notamment au début de la cinquième saison: commencer par un flahsforward puis revenir au point de départ pour accaparer le spectateur, le tenir par cette question entêtante: mais comment en est-on arrivé là ?

Better Call Saul s'ouvre sur du noir et blanc. Saul a pris quelques années, il est serveur dans un restaurant fast-food dans le Nebraska, Etat dans lequel il s'est réfugié pour échapper à des ennuis hérités de sa vie passée. Minable dans son costume, il l'est encore plus dans son uniforme de serveur. Sa vie est un naufrage et chaque soir il s'échoue dans son fauteuil lazyboy et se repasse en boucle sur sa télévision les spots publicitaires de sa splendeur enfuie. Il ressuscite l'époque où il expliquait aux gens qu'ils "feraient mieux de passer un coup de fil à Saul". L'efficacité du procédé est évidente.

Fin du petit spoiler



Simplicité et clarté
Cette entrée en matière est réussie car il y a un savoir-faire qui transpire dans chacun des plans et dans la structure de l'arche principale. En revanche, on attend de voir comment se déroule la suite des aventures. Pour l'instant, Saul Goodman/James McGill paraît bien isolé au centre du récit. Tout tourne autour de lui, caméra y compris, afin de donner un sentiment d'enfermement intérieur, de vertige qui vire un peu à la répétition. Better Call Saul met-elle trop d'insistance à revendiquer ses origines au détriment de l'expression de son identité propre ? Peut-être.

La question subsidiaire est de savoir si ce personnage de Saul possède la richesse suffisante pour tenir la comparaison. Breaking Bad avait fait le pari du tandem, donc d'une alternance de points de vue et d'une relation entre deux personnages, Walter White et Jesse Pinkman. Les personnages secondaires étaient présents très tôt et portaient la promesse de ramifications et d'une complexité croissante.

Better Call Saul manque sans doute de cette simplicité et de cette clarté dans la mise en place. Les deux premiers épisodes donnent le sentiment d'une légère confusion qui, pour le coup, appartient au registre classique du polar mais qui n'a pas l'originalité lumineuse qu'apportait Breaking Bad. La comparaison avec la série d'origine est inévitable d'autant qu'elle nous est rappelée avec constance. Peut-être que le meilleur moyen pour aborder la série est d'essayer de s'en détacher légèrement, de regarder cette première saison avec un oeil neuf, en mettant de côté l'idée qu'il s'agit d'un spin-off.

Saul n'est pas Walter même si on anticipe que leurs trajectoires vont être assez similaires (une réussite suivie d'une chute) jusqu'à leur rencontre, puis au-delà. Cela étant dit, Gilligan et Gould ont montré tellement de ressources dans les tournants qu'ils étaient capables de faire prendre à leurs personnages qu'on n'est pas vraiment inquiet sur le sort qu'il réserve à leur créature.

Fiche technique
Tournée à Albuquerque par High Bridge, Crystal Diner and Gran Via Productions en collaboration avec Sony Pictures Television. Producteurs exécutifs: Vince Gilligan, Peter Gould, Mark Johnson, Melissa Bernstein. Co-producteurs exécutifs: Thomas Schnauz, Stewart A. Lyons. Producteurs: Diane Mercer, Nina Jack, Bob Odenkirk. Réalisateur: Vince Gilligan. Scénaristes: Vince Gilligan, peter Gould.
Casting: Bob Odenkirk, Jonathan Banks, Michael McKean, Rhea Seehorn, Patrick Fabian, Michael Mando



Votre commentaire ou votre réponse :

Voici à quoi doit ressembler une simple quote :
<blockquote class="citation"><cite><strong>Untel</strong> a dit :</cite> Son message</blockquote>
Vous pouvez mettre votre message directemment à la suite.
On doit donc toujours avoir une seule balise "<blockquote class="citation">" et elle doit forcément être refermée par "</blockquote>" avant le début de votre message.
Tout ce qui se trouve entre le premier <cite><strong>Untel</strong> a dit :</cite> et le message que vous souhaitez conserver peut être effacé.

Joindre une photo

Depuis votre ordinateur
  (cliquez sur parcourir pour choisir une photo sur votre ordinateur, inférieure à 500ko)
Ou depuis un serveur internet
exemple : http://imgur.com/
Auteur : Vous allez poster en Anonyme, si tel n'est pas votre souhait,
merci de vous inscrire !


Afin de lutter contre le SPAM, vous devez répondre à cette question pour pouvoir poster




Utilisation des smileys... Pour placer un smiley dans votre message, il vous suffit d'introduire l'un des raccourcis clavier ci-dessous dans votre texte. Mettez-en partout !
Smiley
Raccourci clavier :) :( ;) :D :)) :o) Cliquez ici pour voir les raccourcis correspondants...

Un petit cour d'HTML...
  • Texte en gras : écrire le texte entre les balises <b> et </b>.
    <b>gras</b> donne gras
  • Texte en Italique : écrire le texte entre les balises <i> et </i>
    <i>italique</i> donne italique
  • Texte souligné : écrire le texte entre les balises <u> et </u>
    <u>souligné</u> donne souligné
  • Lien Internet : écrire le texte entre les balises <a href="adresse_internet"> et </a>.
    <a href="http://www.stopweb.com">stopweb</a> donne stopweb
  • Insérer une image : mettre l'adresse comme ceci <img src="adresse_internet">.
    <img src="http://www.stopweb.com/photos/334641"> donne
  • Vous pouvez, bien sûr, combiner toutes ces commandes entre elles :
    <a href="http://www.stopweb.com"><b><i><u>stopweb</u></i></b></a> donne stopweb

  • Texte en couleur : écrire le texte entre les balises <font color=couleur> et </font>
    <font color=darkred>texte en rouge foncé</font> donne texte en rouge foncé