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posté par MC Jean Gab1 : | "Breaking Bad", "House of cards" : pourquoi les séries télé concurrencent le cinéma
Publié le 24-09-2013 à 21h11 - Modifié le 25-09-2013 à 07h40
Par François Jost
Analyste des médias
LE PLUS. C'est l'histoire d'un professeur de chimie transformé en baron de la drogue... Vous ne connaissez pas cette histoire. ? C'est le pitch de la série "Breaking Bad" qui vient d'être auréolé du prestigieux Emmy Award de la meilleure série dramatique. Et si les séries étaient à la hauteur du cinéma ? Explications de François Jost, spécialiste des médias.
Dimanche dernier, lors de la 65e cérémonie des Emmys Awards, qui récompensent les meilleurs programmes de télévision, "Breaking Bad"a reçu le trophée de la meilleure série dramatique, succédant à "Homeland" qui l’avait reçu l’année dernière.
Ce qui est d’abord remarquable dans cette distinction, c’est qu’elle a été obtenue non contre une autre série télévisuelle, mais contre "House of cards", dont la production a été assurée par une plateforme proposant des films en continu sur internet, Netflix.
Les webséries, un nouveau challenger
C’est donc la première fois qu’une fiction produite pour l'internet entre directement en concurrence avec le média télévisuel. Jusqu’ici, l’économie des webséries oscillait entre deux modèles :
- soit des séries plus ou moins autoproduites, avec peu de moyens, souvent parodiques ou proches des formes brèves de la télévision (en France, l’une des plus populaires est "Le Visiteur du futur")
- soit des fictions plus ambitieuses, financées par des grandes marques pour placer leur produit. Ce dernier cas de figure fut illustré, par exemple, par "The Cell", qui racontait l’histoire d’un homme enfermé dans une cellule avec comme unique compagnon un téléphone portable, et qui était, bien sûr, coproduite par un opérateur téléphonique, au Royaume-Uni.
Les séries ne sont plus des objets méprisés
Contrairement à beaucoup de séries télévisuelles qui se retrouvent sur le web, "House of cards" est la première série d’envergure produite par un producteur de cinéma, David Fincher, qui migre vers la télévision. En France, Canal+ la diffuse depuis le mois d’août.
On parle beaucoup de "convergence", pour désigner la rencontre de l’ordinateur, de la télévision et du téléphone. En fait, il s’agit de beaucoup plus : d’une vraie lutte entre médias, dont on ne sait pas encore qui sortira vraiment vainqueur. La télévision, qui produit encore l’essentiel des fictions qui sont reprises sur le web ou de nouveaux opérateurs venus de celui-ci ?
Les séries ne sont plus, comme il y a quelques années, des objets méprisés. Les universitaires s’y intéressent, les journaux en parlent et on peut en discuter entre amis sans être pris pour le dernier des débiles. Est-ce à dire, comme on le répète à l’envi, qu’elles doivent être comparées constamment au cinéma ?
Récemment, un ami me concédait que certaines séries pouvaient être "presque aussi bien" qu’un film. D’autres, plus optimistes, considèrent qu’elles sont l’avenir du cinéma. Je crois que ces deux positions sont erronées et c’est bien ce dont convainc "Breaking Bad".
Une série relève de la psychanalyse
Un film doit en 90 minutes nous faire connaître des personnages, nous faire comprendre leurs actions et leurs sentiments. Cela oblige très généralement à schématiser la psychologie, à donner des repères rapides qui guideront le spectateur.
La durée d’une série – "Breaking Bad" en est à la cinquième saison –, nous fait passer dans un autre univers de compréhension : le caractère du personnage évolue sur des années et opère à un changement de dimension.
On n’est plus dans la psychologie du comportement, mais dans une exploration de l’intimité la plus secrète, qui relève plutôt de la psychanalyse. On n’est plus dans un univers stable, mais dans un univers où les faits interagissent avec les personnages les rendant parfois imprévisibles. D’où le pseudonyme que ce professeur de chimie, d’abord blanc comme neige (Mr. White) va s’inventer : Heisenberg, en référence à ce physicien qui a montré que, pour mesurer la vitesse des électrons, il faut les éclairer, mais que, ce faisant, on change leur vitesse, ce qui implique de prendre en compte un principe d’incertitude.
"Breaking Bad", comme son titre l’indique, ne montre ni un résultat ni un état, mais un devenir. Et ce qui est fascinant, c’est d’observer, comme pour les électrons, des trajectoires : Walter qui devient mauvais et, même plus ; Jesse, le bad guy, qui s’humanise. Enfin la femme de Walter, Skyler, qui comme dans les mouvements des électrons se trouve emportée vers le bad.
C’est sans doute pour ce sentiment bien particulier que "Breaking Bad" a été récompensé. Un sentiment que jamais le cinéma ne nous procure.
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